Lacan, Clérambault, Artaud, Mallarmé, Joyce, Sollers, Meyronnis, Haenel et le Tao. (text)

5 October 2017

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Lacan et Clérambault

Le premier texte doctrinal de Lacan sintitulait : « Structures des psychoses paranoïaques » (1931) publié dans la revue Semaine des hôpitaux.
Lacan savait que Clérambault était un homme tyrannique qui exigeait des siens une fidélité sans partage. Il connaissait sa crainte de voir sa doctrine pillée ou imitée. Cest pourquoi en le citant, il prit soin de noter en bas de page : « Cette image est empruntée à lenseignement verbal de notre maître, M.G. de Clérambault, auquel nous devons en matière et en méthode quil nous faudrait, pour ne point risquer dêtre plagiaire, lui faire hommage de chacun de nos termes ».
Choqué par lambivalence de cet hommage exagéré, le patron de lInfirmerie spéciale ne tarda pas à désavouer son élève. Après la publication de larticle, il entra dans une violente colère et fit irruption à une réunion de la Société médico-psychologique pour lancer au visage de Lacan des exemplaires dédicacés de ses œuvres et laccuser de plagiat.
Voici le souvenir que garde de cet événement Henri Ellenberg : « Il accusa Lacan de plagiat. Avec un culot incroyable, Lacan retourna laccusation contre Clérambault, affirmant que le vieux psychiatre lavait plagié. Cette affaire fit grand bruit. Lacan avait dailleurs un sens remarquable de la publicité. » [É. Roudinesco, Jacques Lacan p. 46-48. Fayard 1993.]
Lacan et A. Artaud
À ma connaissance, cest Nicole Bousseyroux (psychanalyste, et grande érudite), qui révèle lidentité du Dr. L. Comme étant Jacques Lacan, dans un article publié dans la revue Len-je lacanien, p. 125-133, La passion dAntonin Artaud. 
Éres, nº 7, février 2007. Je la cite :
Nicole Bousseyroux : La Passion dAntonin Artaud*
Antonin Artaud et le docteur Ferdière sont en quelque sorte couplés dans lêtre, à travers les lettres de Rodez. Mais il y a, si je puis dire, un troisième larron dans ce qui fut la passion dArtaud.
Il vaudrait mieux dire, comme vous allez le voir, Antonin Artaud, le docteur Ferdière et le docteur L. Je vous dirai tout à lheure qui est, pour Artaud, ce « docteur L. » [] Les choses se sont en effet précipitées pour Artaud après son retour du Mexique, en 1937. Cest là que commence véritablement la Passion dArtaud.
Lacan emploie ce terme, il parle de la passion dAntonin Artaud. On peut le prendre dans trois acceptions. Dabord au sens psychiatrique de la psychose passionnelle décrite par Clérambault et dont lobjet érotomaniaque fut pour Artaud Cécile Schramme. Ensuite au sens lacanien de la passion de lêtre qui na cessé de le dévorer. Enfin au sens religieux, mystique, de la Passion christique quil a vécu dans son délire, en sidentifiant au christ, quil écrit sans majuscules, avant de répudier son christianisme à Pâques 1945. Artaud a vécu un réel chemin de croix en Irlande, où il est parti dans un état dexaltation mystique, avec la mission dy ramener la canne à treize nœud de saint Patrick.[.]
Jen viens maintenant à la sortie de Rodez en 1946 et au virage poétique qui se produisit alors.
À cet égard, Artaud a apporté un démenti à la sévérité du diagnostic de Lacan quand en 1939 il le dit définitivement fixé et perdu pour la littérature.
Certes, il était aussi « fixé » en 1948 quen 1938 quand Lacan la rencontré à Sainte-Anne. Lobjet regard le fixait toujours aussi persécutivement. Mais cest entre 1946 et 1948 quil a écrit ses textes les plus grands, les plus soufflants qui aient été jamais écrits.
À ce propos, je vous signale quon trouve dans lIntroduction à Van Gogh le suicidé de la société un passage où Artaud sen prend à Lacan.
Il y dit que « la psychiatrie nest plus quun réduit de gorilles eux-mêmes obsédés et persécutés et qui nont, pour pallier les plus épouvantables états de langoisse et de la suffocation humaines, quune ridicule terminologie, digne produit de leurs cerveaux tarés. Pas un psychiatre, en effet, qui ne soit un érotomane notoire. Et je ne crois pas que la règle de lérotomanie invétérée des psychiatres puisse souffrir aucune exception ».
Vous voyez donc quArtaud pose ce théorème délirant que tous les psychiatres sans exception sont des érotomanes. Et cest alors quil passe de luniversel au particulier :
« Jen connais un qui se rebella, il y a quelques années, à lidée de me voir ainsi accuser en bloc tout le groupe de hautes crapules et de faiseurs patentés auquel il appartient. Moi, monsieur Artaud, me dit-il, je ne suis pas un érotomane, et je vous défie bien de me montrer un seul des éléments sur lesquels vous vous basez pour porter votre accusation. Je nai quà vous montrer vous-même, docteur L., comme élément, vous en portez sur votre gueule le stigmate, bougre dignoble saligaud. Cest la binette de qui introduit sa proie sexuelle sous la langue et la retourne ensuite en amande, pour faire digue dune certaine façon . Cela sappelle faire son beurre et trier son propre persil. Si dans le coït vous navez pas obtenu de glousser de la glotte dune certaine façon que vous connaissez, et de gargouiller en même temps du pharynx, de lœsophage, de lurètre et de lanus, vous ne pouvez pas vous déclarer satisfait. »
Il est clair que la jouissance est par Artaud identifiée au lieu de lAutre et que cet Autre jouisseur cest le docteur L. :
« Vous décrétez de délire la conscience qui travaille, dit-il encore, tandis que, dautre part, vous létranglez avec votre ignoble sexualité. »
Le docteur Latrémolière, qui avait fait à Artaud cinquante et un électrochocs, a cru à tort que cétait lui le docteur L., disant quil ne lui en voulait aucunement de linsulter ainsi.
Paule Thévenin, à qui Artaud avait dicté Van Gogh le suicidé de la société, lui a demandé qui était ce docteur L. dont il parle. Dans une note, elle dit quil lui a alors révélé que cétait le psychanalyste célèbre qui faisait partie du service du Professeur Delay à Sainte-Anne, où il avait été admis en 1938.
Cest donc bien Lacan. Cest dire quArtaud ne portait pas Lacan dans son cœur, davoir alors porté sur lui le diagnostic dérotomanie. Du moins, il semble avoir été fortement marqué par ce signifiant dérotomanie.
Je rappelle que lérotomanie constitue lessence du transfert psychotique et quelle a été caractérisée, en 1920 par Gaëtan Gatian de Clérambault, par la conviction délirante non seulement dêtre aimé par une personne déterminée mais que cette personne a une « emprise totale sur le psychisme sexuel » du sujet.
Lacan a fait une thèse sur un cas dérotomanie, une femme quil a nommé Aimée. Et ce quArtaud semble jeter à la figure de Lacan, au fond, cest quil porte le « stigmate » du cas Aimée, dont il avait probablement entendu parler par ses amis surréalistes ! (fin de citatation)
« Freud, Joyce et moi-même, nous sommes psychotiques. » J. Lacan. Énoncé inconnu au bataillon.
Par contre :
« Joyce était-il fou ? »
« Je ne résoudrai pas cette question aujourdhui ».
Et dailleurs jamais Lacan ne le dira.
Pour Joyce (« Joyce le sinthome à entendre comme Jésus la caille ») dont lart donne consistance à son sinthome, la psychanalyse est superflue. Cest un désabonné de linconscient. Séminaire Le Sinthome, p. 77 etc Seuil 2005.
« Ben ! Il est évident que je ne sais pas tout. Et, en particulier que, à lire Joyce, car cest ça quil y a daffreux, cest que jen suis réduit à le lire. Comment savoir à la lecture de Joyce ce quil se croyait ? Puisque il est tout à fait certain que je ne lai pas analysé. Je le regrette. Enfin, il est clair quil y était peu disposé. La qualification de Tweedledum et Tweedleder, pour désigner respectivement Freud et Jung, était enfin ce qui lui venait naturellement sous la plume, ça ne montre pas quil y était porté. » Le Sinthome, opus cité, leçon du 10 février 1976.
Freud
« En quoi donc, si je lai bien lu, Freud un bourgeois, et un bourgeois bourré de préjugés, a-t-il atteint quelque chose qui fait la valeur propre de son dire ? Et qui nest certes pas rien, qui est la visée de dire, sur lhomme, la vérité. A quoi jai apporté cette correction qui na pas été pour moi sans peine, sans difficulté : quil ny a de vérité quelle ne puisse que se dire, tout comme le sujet quelle comporte, qui ne puisse se dire quà moitié. Qui ne puisse, pour lexprimer comme je lai énoncé, que se mi-dire. » 
Opus cité, leçon du 9 décembre 1975.
Ailleurs, je paraphrase : Freud était un obsédé sexuel, comme moi. (Référence introuvable).
Lacan :
Je paraphrase : Je ne suis pas assez psychotique, ou bien « Je suis un hystérique parfait » Référence introuvable.
Mallarmé
« Je lai expliqué ailleurs, cette réalisation du langage qui ne sert plus que comme une monnaie effacée que lon se passe en silence, cité dans mon Rapport, et qui est de Mallarmé, montre une fois de plus la fonction pure du langage, qui est justement de nous assurer que nous sommes et rien de plus le fait quon puisse parler pour ne rien dire est tout aussi significatif que le fait que quand on parle en général, cest pour quelque chose. »â€¨ Les Écrits techniques de Freud, Leçons du 7 avril 1954.
« De même ici, plus vous allez loin dans le sens de famillionnaire, plus vous pensez au famillionnaire cest-à-dire au millionnaire devenu, devenu transcendant si lon peut dire, devenu quelque chose qui existe dans lêtre, et non plus purement et simplement cette sorte de signe et plus la famille elle-même tend à être, comme terme agissant dans la création du mot famillionnaire, éludée. Mais si un instant vous vous remettez à vous intéresser à ce terme de famille, comme je lai fait, au niveau du signifiant, cest-à-dire en ouvrant le dictionnaire Littré dont Monsieur Chassé nous dit que cétait là que Mallarmé prenait toutes ses idées Le plus fort cest quil a raison, mais davoir raison dans un certain contexte, je dirai même quil y est pris aussi non moins que ses interlocuteurs ; il a le sentiment quil enfonce là une porte. Bien sûr il enfonce cette porte parce quelle nest pas ouverte. Si en effet chacun pensait à ce quest la poésie, il ny aurait véritablement rien de surprenant à sapercevoir que Mallarmé devait sintéresser vivement au signifiant. Simplement comme personne na jamais véritablement même abordé ce quest véritablement la poésie, cest-à-dire quon balance entre je ne sais quelle théorie vague et vaseuse sur la comparaison, ou au contraire la référence à je ne sais quels termes musicaux, cest là que lon veut expliquer labsence prétendue de sens dans Mallarmé, sans sapercevoir du tout quil doit y avoir une façon de définir la poésie en fonction des rapports au signifiant, quil y a une formule peut-être un peu plus rigoureuse, et quà partir du moment où lon donne cette formule, il est beaucoup moins surprenant que dans ses sonnets les plus obscurs Mallarmé soit mis en cause. »â€¨ Les formations de linconscient, leçon du 20 novembre 1957.
« Pour tout dire, je ne sais si cette statue, dont je vous ai fait parvenir les photos, a réussi pour vous à établir cette vibration, cette communication dont je vous assure quen sa présence on peut y être sensible ; on peut y être sensible non pas simplement que le hasard a fait, quaccompagné de mon guide, qui était alors un de ces Japonais pour qui Maupassant ni Mérimée nont de secrets, ni rien de notre littérature je vous passe dailleurs Valéry parce que Valéry, on nentend parler que de Valéry dans le monde, le succès de ce Mallarmé des nouveaux riches est une des choses les plus consternantes quon peut rencontrer à notre époque, donc, reprenons notre sérénité jentre dans le petit hall de cette statue et je trouve là, agenouillé, un homme entre trente et trente-cinq ans, de lordre du très petit employé, peut-être de lartisan, déjà vraiment très usé par lexistence. Il était à genoux devant cette statue et, manifestement, il priait. Ceci, après tout, nest pas quelque chose à quoi nous soyons tentés de participer. Mais après avoir prié, il sest avancé tout près de la statue car rien nempêche de la toucher à droite, à gauche et en dessous il la regardait ainsi pendant un temps que je ne saurais pas compter, je nen ai pas vu la fin ; à vrai dire, il sest superposé avec le temps de mon propre regard. Cétait évidemment un regard deffusion dun caractère dautant plus extraordinaire quil sagissait là, non pas je dirai dun homme du commun car un homme qui se comporte ainsi ne saurait lêtre mais de quelquun que rien ne semblait prédestiner, ne fût-ce que pour le fardeau évident quil portait de ses travaux sur ses épaules, à cette sorte de communion artistique. »â€¨ Langoisse, leçon du 8 mai 1963.
« Une des plus grandes satisfactions que jai eues, toute personnelle, cest de voir à cette occasion notre ami Kaufmann mapporter, comme ça, sur un plat, un texte dont je croyais avoir le privilège de lavoir étudié, car tout le monde, pendant des années, a répandu le bruit que je prenais le modèle de mon style dans Mallarmé. Cest une erreur, cest précisément dans le Polyphème de Gongora que je métais formé jusque-, et il ne me paraît pas du tout une chose de hasard que ce soit en ce point quaujourdhui Kaufmann, avec une grande sûreté de boussole, mait retrouvé. Ce nest pas dire que quelquun ne mait pas mis en rapport avec Gongora, cest tout à fait par hasard, cest certainement quelquun qui na jamais dû lire le Polyphème. Ces choses, nous les retrouverons par la suite. »â€¨ Problèmes cruciaux pour la psychanalyse, leçon du 26 mai 1965.
« Naturellement ce nest pas des bibliographies que je fais le catalogue ! Néanmoins, à cataloguer ces livres, pour autant que dans les bibliographies ils se renvoient les uns aux autres, je peux fort bien recouvrir lensemble de toutes les bibliographies. Cest bien là que peut se situer le fantasme qui est proprement le fantasme poétique par excellence, celui qui obsédait Mallarmé : du Livre absolu. Il est à ce niveau où, les choses se nouant au niveau de lusage non pas de purs signifiants, mais de signifiants purifiés, pour autant que je dis et que jécris que je dis que le signifiant est ici articulé comme distinct de tout signifié, je vois alors se dessiner la possibilité de ce Livre absolu, dont le propre serait quil engloberait toute la chaîne signifiante, proprement en ceci : quelle peut ne plus rien signifier. En ceci, donc, il y a quelque chose qui savère comme fondé dans lexistence au niveau de lunivers du discours, mais dont nous avons à suspendre cette existence à la logique propre qui peut constituer celle du fantasme, car aussi bien, cest la seule qui peut nous dire de quelle façon cette région append à lunivers du discours. Assurément, il nest pas exclu quil y rentre, mais dautre part, il est bien certain quil sy spécifie, non pas par cette purification dont jai parlé tout à lheure, car la purification nest point possible de ce qui est essentiel à lunivers du discours, à savoir la signification. Et vous parlerais-je encore quatre heures de plus de ce Livre absolu quil nen resterait pas moins que tout ce que je vous dis a un sens. »â€¨ La logique du fantasme, leçon du 23 novembre 1966.
Observez bien en effet que lessentiel de ce quici jarticule, jy reviendrai abondamment, lessentiel nest pas quau terme de la psychanalyse comme certains je lai vu à des questions posées se limaginent, le psychanalyste devienne pour lautre, lobjet a Ce « pour lautre » ici prend singulièrement la valeur dun « pour soi » pour autant que, comme sujet il ny a pas dautre que cet Autre à qui est laissé tout le discours ; ça nest ni pour lAutre, ni dans un pour soi qui nexiste pas au niveau du psychanalyste, que réside ce a, cest bien dun en-soi, dun ensoi du psychanalyste ; cest en tant que, comme les psychanalystes le clament eux-mêmes dailleurs il suffit den ouvrir la littérature pour en voir à tout instant le témoignage ils sont réellement ce sein de l« ô ma mère Intelligence », de notre Mallarmé ; quils sont eux-mêmes ce déchet, présidant à lopération de la tâche, quils sont le regard, quils sont la voix, cest en tant quils sont le regard, quils sont la voix ; cest en tant quils sont en soi le support de cet objet a que toute lopération est possible. Il ne leur échappe quune chose, cest à quel point ce nest pas métaphorique.
 Lacte analytique, leçon du 17 février 1968.
« Tout au contraire lart de lanalyste doit être de suspendre les certitudes du sujet, jusquà ce que sen consument les derniers mirages. Et cest dans le discours que doit se scander leur résolution.
 Quelque vide en effet quapparaisse ce discours, il nen est ainsi quà le prendre à sa valeur faciale : celle qui justifie la phrase de Mallarmé quand il compare lusage commun du langage à léchange dune monnaie dont lavers comme lenvers ne montrent plus que des figures effacées et que lon se passe de main en main « en silence ». Cette métaphore suffit à nous rappeler que la parole, même à lextrême de son usure, garde sa valeur de tessère.
 Même sil ne communique rien, le discours représente lexistence de la communication ; même sil nie lévidence, il affirme que la parole constitue la vérité ; même sil est destiné à tromper, il spécule sur la foi dans le témoignage. »â€¨ Fonction et champ de la parole et du langage dans la psychanalyse. Écrits, Seuil, 1953.
« Et cest si vrai que si cest moi qui donne le coup à deviner, cest-à-dire qui suis le sujet actif, mon effort à chaque instant sera de suggérer à ladversaire lexistence dune loi qui préside à une certaine régularité de mes coups, pour lui en dérober le plus de fois possible par sa rupture la saisie.
 Plus cette démarche arrivera à se rendre libre de ce qui sébauche malgré moi de régularité réelle, plus elle aura effectivement de succès, et cest pourquoi un de ceux qui ont participé à une des épreuves de ce jeu que nous navons pas hésité à faire passer au rang de travaux pratiques, a avoué quà un moment où il avait le sentiment, fondé ou non, dêtre trop souvent percé à jour, il sen était délivré en se réglant sur la succession conventionnellement transposée des lettres dun vers de Mallarmé pour la suite des coups quil allait proposer dès lors à son adversaire.
 Mais si le jeu eût duré le temps de tout un poème et si par miracle ladversaire eût pu reconnaître celui-ci, il aurait alors gagné à tout coup. »â€¨ La lettre volée, Écrits, 1966.
« Vous pourrez vous apercevoir que, quand même, soit dans le mot de passe, soit dans le mot quon appelle damour, il sagit de quelque chose, qui en fin de compte, est plein de portée. Disons que la conversation quà un moment moyen de votre carrière détudiant, vous avez pu avoir à un dîner de patron également moyen, où le mode et la signification des choses quon échange combien ce caractère est équivalent de conversations rencontrées dans la rue et dans lautobus, et qui nest pas autre chose quune certaine façon de se faire reconnaître, ce qui justifierait Mallarmé disant que le langage était (15) « comparable à cette monnaie effacée quon se passe de la main à la main en silence ».
 Le réel, limaginaire et le symbolique. Juin 1953, inédit.
Sollers
Et bien référez-vous quand même, parce que cest une bonne lecture,
 il faut que vous vous mettiez tout de même à lire un peu, un peu des
 auteurs je ne dirai pas de votre temps, bien sûr, je ne vous dirai pas de
 lire Philippe Sollers, il est illisible, bien sûr, comme moi, oui Mais vous
 pouvez lire Joyce par exemple. Alors là vous verrez comment ça a commencé
 de se produire. Vous verrez que le langage se perfectionne et sait
 jouer quand il sait jouer avec lécriture. Joyce, moi je veux bien bien ça
 soit pas lisible. Cest certainement pas traductible en chinois ! 
(Encore, leçon du 9 janvier 1973).
Dans le français, ce que jappelle lalangue, lalangue mienne, linjection
 de grec, de cette langue dont Joyce, dans Portrait de lartiste, émettait le
 voeu tout à fait, non, cest pas dans Le portrait de lartiste, cest dans le
 Ulysses, dans le Ulysses, au premier chapitre, il sagit de hellenize, dinjecter
 de même la langue hellène on ne sait pas à quoi. Puisque il ne
 sagissait pas du gaélique, encore quil sagit de lIrlande, mais que Joyce
 devait écrire en anglais. Quil a écrit en anglais dune façon telle que 
 comme la dit quelquun dont jespère quil est dans cette assemblée,
 Philippe Sollers, dans Tel Quel , il la écrit dune façon telle que la
 langue anglaise nexiste plus. Elle avait déjà, je dirai, peu de consistance.
 Ce qui ne veut pas dire quil soit facile décrire en anglais. Mais
 Joyce, par la succession dœuvres quil a écrites en anglais, y a ajouté ce
 quelque chose qui fait dire au même auteur quil faudrait écrire le-l-an-
 g-u-e-s, lélangues. Lélangues par où je suppose quil entend désigner
 quelque chose comme lélation. Cette élation dont on nous dit que cest
 au principe de je ne sais quel sinthome que nous appelons en psychiatrie
 la manie. (Le Sinthome, leçon du 18 nov. 1975.)
Il doit vous apparaître, je le suppose, si vous nêtes pas trop arriérés
 pour ça, il doit vous apparaître que je suis embarrassé de Joyce comme un
 poisson dune pomme.
 Cest lié évidemment je peux le dire parce que je léprouve, ces joursci,
 journellement , cest lié évidemment à mon manque de pratique,
 disons, à mon inexpérience de la langue dans laquelle il écrit. Non pas que
 je sois totalement ignorant de langlais. Mais justement, il écrit langlais
 avec ces raffinements particuliers qui font que la langue, anglaise en loccasion,
 il la désarticule. Il faut pas croire que, que ça commence à
 Finnegans Wake. Bien avant Finnegans Wake, il a une façon de, de hacher
 les phrases, dans Ulysses notamment, cest vraiment un processus pour,
 qui sexerce dans le sens de donner à la langue dans laquelle il écrit un
 autre usage ; un usage en tout cas qui est loin dêtre ordinaire. Ça fait partie
 de son savoir-faire et,-dessus, jai déjà cité larticle de Sollers, il ne
 serait pas mauvais, enfin, que vous en mesuriez la pertinence.
 Alors, il en résulte que ce matin, je vais laisser la parole à quelquun qui
 a une pratique bien au-delà de la mienne, non seulement de la langue
 anglaise, mais de Joyce, de Joyce nommément. Il sagit de Jacques Aubert.
 (Le Sinthome, leçon du 20 janvier 1976).
À lendroit de la parole, on ne peut pas dire que quelque chose nétait pas à Joyce imposé. Je veux dire que dans le progrès en quelque sorte continu qua constitué son art, à
 savoir cette parole, parole qui vient à être écrite, de la briser, de la démantibuler,
 de faire quà la fin ce qui, à la lire, paraît un progrès continu depuis
 leffort quil faisait dans ses premiers essais critiques, puis ensuite, dans Le
 portrait de lartiste, et enfin dans Ulysses pour terminer par Finnegans Wake 
 , il est difficile de ne pas voir quun certain rapport à la parole lui est de
 plus en plus imposé. Imposé au point quil finit par, par dissoudre le langage
 même, comme la noté fort bien Philippe Sollers, je vous ai dit ça au début
 de lannée, imposer au langage même une sorte de brisure, de décomposition
 qui fait que il ny a plus didentité phonatoire.
 Sans doute y a-t-il là une réflexion au niveau de lécriture. Je veux dire
 que cest par lintermédiaire de lécriture que la parole se décompose en
 simposant. En simposant comme telle. A savoir dans une déformation
 dont reste ambigu de savoir si cest de se libérer du parasite, du parasite
 parolier dont je parlais tout à lheure, quil sagit, ou au contraire de
 quelque chose qui se laisse envahir par les propriétés dordre essentiellement
 phonémiques de la parole, par la polyphonie de la parole.
 (Le Sinthome, leçon du 17 févr. 1976.)
Le Tao dans les séminaires et les Écrits de Lacan
Congrès de lÉcole freudienne à La-Grande-Motte 1973
Les présocratiques, par définition, ne témoignent pas dune école, dune unité de pensée ; ils témoignent certainement, comme bien dautres, comme dautres traditions, comme la tradition taoïte par exemple, des premiers efforts de formulation des rapports de notre être avec ce dont
 nous sommes doué, à savoir le langage.
Discours à lÉcole freudienne de milan 1974
Ne pas boire leau dune rivière dans une bouteille (San Pelegrino). De même trop de meubles dans un appartement parce ces ustensiles sont un maniement dommageable du réel.
Allocution précédant le séminaire R.S.I. du 17 Décembre 1974. Ornicar ?, 1975, nº 2, p. 98-99
Je parle ici de la débilité mentale des systémes de pensée qui supposent (sans le dire,
 sauf aux temps bénits du Tao, voire de lancienne Égypte, où cela sarticule avec tout
 labêtissement nécessaire), qui suppose donc la métaphore du rapport sexuel, non exsistant
 sous aucune forme, sous celle de la copulation, particulièrement « grotesque »â€¨ chez le parlêtre, qui est censé « représenter »le rapport que je dis ne pas ex-sister
 humainement.
LÉthique de la psychanalyse
Leçon du 27 janvier 1960 :
1. Je veux dire que dans sa recherche anxieuse de la source du mal,
 lhomme se trouve devant ce choix parce quil ny en a pas dautre. Mais
 encore faut-il dire quil y a ces trois là. Il y a lœuvre, et cest la position de
 renonciation à laquelle vous savez que bien dautres sagesses que la nôtre
 se sont placées, à savoir que toute œuvre est par elle-même nocive et nengendre
 que les conséquences quelle-même comporte, autant de négatif
 que de positif, qui est une position formellement exprimée dans le taoïsme
 par exemple, à ce point que cest tout juste permis de se servir dun vase
 sous la forme dune cuiller, lintroduction dune cuiller dans le monde est
 déjà la source de tout le flot des contradictions dialectiques.
2. Lhistoire des religions consiste essentiellement à chercher à dégager le
 commun dénominateur de la religiosité. Nous faisons une dimension de
 ce quon appelle lhomme, de son lobe religieux, et alors nous constatons
 la diversité des manifestations religieuses, et nous sommes obligés de faire
 rentrer là-dedans des religions aussi différentes quune religion de
 Bornéo, la religion confucéenne, taoïste, la religion chrétienne.
(Note sur le séminaire lÉthique Le développement du séminaire sordonne selon une tripartition que je vais essayer maintenant de mettre en évidence. Cette subdivision est précise, chaque partie est formée de neuf leçons. La première va de la leçon initiale,
 qui délimite le champ de lÉthique, à la neuvième où la reprise de la
 fable du potier permet à Lacan de mettre en valeur le façonnage du signifiant
 à limage de la chose, ce vide, ce nihil, que, précisément nous ne pouvons
 imaginer. Autour de ce thème central de la leçon viennent se grouper
 les problèmes de la création comme ceux des sources du mal qui sont ici
 rassemblés sous trois chefs : lœuvre, illustrée par lexemple du Taoïsme, la
 matière, par celui des Cathares, la chose, où le mal peut sintroduire, dans
 la mesure où ce signifiant de la chose nest pas ce qui guide lœuvre).
Problèmes cruciaux pour la psychanalyse
1. Leçon du 10 mars 1965
Bien sûr, ceci ne fait que recouvrir des choses bien connues depuis longtemps,
 et je me suis dispensé de vous donner ici la première phrase du chapitre II du Tao
 tö King, parce quaussi bien il aurait fallu que je commente chacun des caractères.
 Mais ces caractères sont tellement, pour quiconque peut se donner la peine
 den appréhender la référence, tellement significatifs, que lon ne peut pas croire
 quil ny ait pas quelque chose de la même veine logique dans ce qui est énoncé,
 en ce point originel pour une culture, autant que pour nous la pu être la pensée
 socratique de ce quil y a doriginel. « Que, pour tout ce qui est du ciel et de la
 terre, que tous le terme universel est bien, bien isolé, posant la fonction de laffirmative
 universelle comme telle que tous sachent ce quil en est du bien,
 alors, cest de cela que naît le contraire ; que tous sachent ce quil en est du beau,
 alors cest de cela que naît la laideur ». Ce qui nest pas pure vanité de dire que,
 bien sûr, définir le bon, cest du même coup définir le mal.
2. Leçon du 12 mai 1965
Est-ce que nous ne saisissons pas là que, pour dautres traditions de pensée
 je lillustre, celle du Tao par exemple, qui toute entière part dune appréhension
 signifiante dont nous navons pas à chercher ce quelle représente pour eux de
 signification, puisque pour nous cest tout à fait secondaire. Les significations,
 ça pullule toujours, vous mettez deux signifiants lun en face de lautre, ça fait
 des petites significations. Elles ne sont pas forcément jolies jolies. Mais que le
 départ soit, comme tel, lopposition du yin et du yang, du mâle et du femelle,
 même sils ne savaient pas ce que ça veut dire, ceci à soi tout seul comporte à la
 fois ce singulier mirage quil y a là quelque chose de plus adéquat à je ne sais
 quel fonds radical, en même temps dailleurs que cela peut justifier léchec total
 de tout aboutissement du côté dun véritable savoir.
Lobjet de la psychanalyse
Leçon du 5 janvier 1966
Le miroir ne se définit, nexiste que de cette surface qui divise pour le redoubler
 dans un espace à trois dimensions, espace que nous tenons pour réel et qui lest
 sans doute.
Je nai pas ici à le contester. Je me déplace comme vous et nai pas le moindre
 petit pied à létrier du voyage taoïste, chevauchant quelque dragon à travers le
 monde. Mais justement. Quest-ce à dire ? Sinon que limage spéculaire naurait
 pas cette valeur derreur et de méconnaissance, si déjà, une symétrie quon
 appelle bilatérale, par un plan sagittal ne caractérisait en tout cas lêtre qui est
 intéressé. On a une droite et une gauche qui ne sont évidemment pas semblables
 mais qui font office de semblables, en gros deux oreilles, deux yeux, une mèche
 sans doute de travers mais en tout cas, on peut faire la raie au milieu. On a deux
 jambes, on a des organes par paires pour un grand nombre dentre eux, pas tous,
 et quand on y regarde de plus près, à savoir quand on ouvre, à lintérieur, cest
 un tant soit peu tordu, mais ça ne se voit pas au dehors. Lhomme, tout comme
 une libellule, a lair symétrique. Cest à un accident de cette espèce, accident
 dapparence comme disent les philosophes que quelque chose est dû tout
 dabord à cette capture dite du stade du miroir.
La logique du fantasme
Leçon du 20 avril 1967 :
Bref, que le lien de lUn à lAutre par identification et surtout sil
 prend cette forme réversible qui fait de lUn lÊtre suprême, est à proprement
 parler typique de lerreur philosophique. Bien sûr, si je vous ai
 dit de lire Le Sophiste de Platon, cest quon est loin dy tomber dans cet
 Un, et que Plotin est ici la meilleure référence pour en faire lépreuve.
 Je ne voudrais y opposer que les mystiques pour autant que ce sont
 ceux que nous pouvons définir comme sétant avancés, à leurs dépens, de
 petit a vers cet Être qui, lui, na rien fait que de sannoncer comme
 imprononçable imprononçable quant à son nom par rien dautre
 que par ces lettres énigmatiques qui reproduisent (le sait-on ?) la forme
 générale du Je suis, non pas Celui qui suis, ni Celui qui est, mais Ce que
 Je suis. Cest-à-dire, cherchez toujours !
 Vous voyez,, rien qui spécifie tellement encore quil mérite dêtre
 spécifié à un autre niveau pour la référence quon en fait au père le
 Dieu des Juifs ; car à la vérité, le Tao sénonce, comme vous le savez, de
 notre temps où le Zen court les rues, vous avez bien dû récolter dans un
 coin que « le Tao qui peut se nommer nest pas le vrai Tao ». Enfin, nous
 ne sommes pas là pour nous gargariser avec ces vieilles plaisanteries
Encore
Leçon du 8 mai 1973 :
1. Ouais ! Le christianisme a rejeté tout ça à labjection
 considérée comme monde ; cest ainsi que ce nest pas sans une affinité
 intime au problème du vrai que le christianisme subsiste. Quil soit la
 vraie religion, comme il prétend nest pas une prétention excessive ; et ce,
 dautant plus quà examiner le vrai de près, cest ce quon peut en dire de
 pire. En particulier que dans ce registre, celui du vrai, quand on y entre
 on nen sort plus. Pour minimiser la vérité comme elle le mérite, il faut
 être entré dans le discours analytique. Ce que le discours analytique
 déloge, met la vérité à sa place, mais ne lébranle pas. Elle est réduite mais
 indispensable. Tout est là. Et rien ne prévaudra contre cette consolidation.
 Sauf ce qui subsiste des sagesses, mais qui ne sy sont pas affrontées.
 Le taoïsme par exemple, ou dautres doctrines de salut pour qui
 laffaire nest pas de vérité mais de voie comme le nom tao lindique. De
 voie si elles parviennent à prolonger quelque chose qui y ressemble.
 Il est vrai que lhistoriole du Christ na, selon toute apparence et
 comme je lai énoncé en clair avec même pour effet que il y a des gens
 qui sont gentils, ils font comme les chiens, ils ramassent la balle et me la
 rapportent on me la rapportée, lhistoriole, disais-je donc, se présente
 non pas comme lentreprise de sauver les hommes mais comme celle
 de sauver Dieu.
2. Tout ça ne veut pas dire, mes petits amis, quil ny ait pas eu des trucs
 de temps en temps, grâce auxquels la jouissance, sans compter quoi il ne
 saurait y avoir de sagesse, a pu se croire venue à cette fin de satisfaire la
 pensée de lêtre. Seulement voilà : jamais cette fin na été satisfaite quau
 prix dune castration. Dans le taoisme par exemple vous ne savez pas
 ce que cest, bien sûr, très peu le savent, enfin moi, je lai pratiqué, jai
 pratiqué les textes, bien sûr dans le taoïsme, et lexemple est patent
 dans la pratique même du sexe, il faut retenir son foutre pour être bien.
 Le bouddhisme, lui, bien sûr, est lexemple trivial par son renoncement
 à la pensée elle-même parce que ce quil y a de mieux dans le bouddhisme, cest le Zen ; et le zen, ça consiste à ça, à te répondre par un aboiement,
 mon petit ami ! Cest ce quil y a de mieux quand on veut naturellement
 sortir de cette affaire infernale comme disait Freud.
Les non-dupes errent
Leçon du 13 novembre 1973 :
Socrate est un homme et il est un homme, il est un homme, si il
 veut bien, hein, il est un homme si il sy précipite lui-même, nest-ce pas,
 cest bien dailleurs ce quil fait, et cest bien en quoi dailleurs, le fait
 quil lait demandée, la mort, il y a quand même une toute petite différence
 ; mais cette différence na pas empêché la suite dêtre absolument
 fascinante. Ça na pas non plus été plus mauvais pour ça Avec son hystérie,
 il a permis une certaine ombre de science : celle qui justement se
 fonde sur cette logique catégorique. Cétait un très mauvais exemple.
 Mais ça doit [sentendre], hein. En tout cas cette fonction imaginaire
 essentiellement du viator, doit nous mettre en garde contre toute métaphore
 qui procède de la voie. Je sais bien que la voie, la voie dont il sagit,
 le Taô, elle simagine être dans la structure. Mais est-ce bien sûr quil ny
 ait quune Voie ? Ou même que la notion de la voie, de la méthode, vaille
 quoi que ce soit ? Est-ce que ça ne serait pas en nous forgeant une toute
 autre éthique, une éthique qui se fonderait sur le refus dêtre non-dupe,
 sur la façon dêtre toujours plus fortement dupe de ce savoir, de cet
 inconscient qui, en fin de compte, est notre seul lot de savoir.
 Je sais bien quil y a cette sacrée question de la vérité, hein.