- home
- contents
- contributors
- issues
- edition 16
/
/
/
/
"J’essaie de vous donner un bout de Réel, à propos de, de ce dans quoi, dans la peau de quoi nous sommes, à savoir la peau de cette histoire incroyable, enfin, qui est l’esprit humain, qui est l’espèce humaine.
Et je vous dis que il n’y a pas de rapport sexuel, mais c’est de la broderie.
C’est de la broderie parce que ça participe du oui ou non.
Du moment que je dis il n’y a pas, c’est déjà très suspect.
C’est suspect de n’être pas vraiment un bout de Réel.
Le stigmate du Réel, c’est de se relier à rien, j’ai déjà dit ça tout à l’heure.
Là où on se reconnaît, c’est seulement dans ce qu’on a.
On ne se reconnaît jamais — c’est impliqué par ce que j’avance, c’est impliqué par le fait reconnu par Freud qu’il y a de l’Inconscient —, on ne se reconnaît jamais dans ce qu’on est.
C’est le premier pas de la psychanalyse.
Parce que ce qu’on est c’est de l’ordre, quand on est homme, c’est de l’ordre de la copulation.
C’est-à-dire de ce qui détourne ladite copulation dans la non moins dite et, significativement, dans la non moins dite copule constituée par le verbe être.
Le langage trouve, dans son infléchissement vers la copule, la preuve qu’il est une voie de détour, tout à fait vessie, c’est-à-dire obscure.
Et obscur n’est là qu’une métaphore ; parce que si nous avions un bout de Réel, nous saurions que la lumière n’est pas plus obscure que les ténèbres, et inversement.
La métaphore copule n’est pas une preuve en soi.
C’est la façon qu’a l’Inconscient de procéder.
Il ne donne que des traces.
Et des traces, non seulement qui s’effacent toutes seules, mais que tout usage de discours tend à effacer ; le discours analytique comme les autres.
Vous-mêmes ne songerez qu’à gommer les traces du mien de discours, puisque c’est moi qui, ce discours, ai commencé par lui donner son statut, son statut à partir du faire semblant de l’objet petit a.
Soit, en fin de compte, de ce que, de ce que je nomme, de ce que l’homme se mette en place de l’ordure qu’il est.
Du moins aux yeux d’un psychanalyste qui a une bonne raison de le savoir, c’est que lui-même se met à cette place.
Il faut en passer par cette ordure décidée pour, peut-être, retrouver quelque chose qui soit de l’ordre du Réel.
Mais vous voyez, j’emploie le mot retrouver.
Retrouver est un glissement, déjà, comme si tout de cet ordre avait déjà été trouvé.
C’est là le piège de l’Histoire.
L’Histoire est le plus grand des fantasmes, si on peut s’exprimer ainsi.
Derrière l’Histoire, l’Histoire des faits auxquels s’intéressent les historiens, il y a le mythe.
Et le mythe est toujours captivant."
JL, in Le sinthome, 16 mars 1976